Libérer la parole après la rémission d’un cancer
Libérons la parole
Quand on est en plein traitement contre un cancer, notre entourage et les médecins nous demandent sans cesse comment nous allons et où nous en sommes dans cette bataille. Mais, lorsque l’on rentre dans la phase de rémission, ces attentions disparaissent peu à peu. Or, le corps continue cette lutte intérieure et la libération de la parole, sans jugement, permet d’avancer plus vite vers la guérison.
Je me souviens d’une phrase qui m’a profondément marquée lorsque je luttais contre mon cancer du sein. Lors d’une séance avec la première oncologue qui m’a suivie, elle m’expliquait qu’elle pouvait me donner tous les médicaments du monde, mais que 80 % du travail, c’est moi qui le ferai grâce à mon mental. Cette phrase a été pour moi un moteur pendant tous ces longs mois de cette bataille contre le cancer.
Mon autre moteur, c’était le soutien de mon entourage qui me demandait régulièrement comment je me sentais. Je pouvais presque quotidiennement parler de ma maladie, de son évolution, de mon état d’esprit… On ne va pas se mentir, ça fait un bien fou !
Puis, un jour, on m’a annoncé que j’étais en rémission, que le cancer avait disparu. Et là, ça a été une immense délivrance. On voit enfin la petite lumière au bout du tunnel. Pourtant, notre corps, lui, ne l’entend pas tout à fait de cette oreille. Avec les différents traitements que l’on suit encore ou que l’on a suivis, les effets secondaires sont toujours bien présents.
Apprécier de parler de sa maladie et d’être comprise
Pour ma part, j’ai vraiment ressenti un avant et un après la rémission. D’un coup, quand tu annonces que le cancer a disparu, l’entourage cesse de te demander comment tu vas. Et au fond, c’est compréhensible. Ils ont aussi besoin de passer à autre chose. Ils ne savent pas que ton corps n’a pas encore tourné la page et qu’il te joue toujours de bien vilains tours. Du coup, pour ne pas lasser, tu arrêtes d’en parler. Un cancer, moi ? Quel cancer ?
Pourtant, libérer la parole est extrêmement important, encore plus dans ces moments-là. Je me souviens que, quelques mois avant de créer Les Minettes en Goguette, j’avais rencontré plusieurs patientes dans la salle d’attente de mon oncologue. En leur expliquant que je voulais créer des vêtements adaptés aux effets secondaires de la maladie, j’ai vu des yeux briller et des langues se délier.
En quelques minutes, j’ai appris qu’une d’entre elles avait du mal à mettre un tee-shirt quand elle avait le bras gonflé car le vêtement ne glissait pas sur le manchon qu’elle portait. Qu’une autre mettait une compresse entre sa brassière et sa cicatrice pour éviter les brûlures. Ou encore qu’une autre avait opté pour des épingles à nourrice sur son tee-shirt pour éviter qu’on ne voit sa mastectomie quand elle se penchait en avant (comme moi !).
Revoir le parcours de soin après un cancer
En peu de temps, ces femmes venaient de se confier comme elles ne le faisaient plus depuis des mois voire des années. Et les sourires que j’ai vus témoignaient du bonheur qu’elles avaient à parler sans être jugées ou dénigrées. J’ai répété l’expérience plusieurs fois, par exemple lors d’ateliers de création de vêtements à Marseille, et le résultat est toujours le même : c’est une vraie bouffée d’oxygène pour ses femmes de libérer la parole.
Je pense également qu’il y a tout un travail à faire au niveau de l’accompagnement médical. Lorsque tu es dans ton traitement, le suivi est quasiment quotidien. Tu passes d’un rendez-vous médical à l’autre en te laissant guider par les médecins, infirmiers, kinés...
Puis, lorsqu’intervient la rémission, tout s’arrête également. Fini les rendez-vous réguliers avec l’oncologue. Ouf ! Finie la chimiothérapie, finie la radiothérapie, mais du jour au lendemain, tu te retrouves seule alors que tu as plein d’interrogations sur comment gérer ces effets secondaires qui se déclenchent. Parce que très souvent, on ne comprend pas tout de suite qu'il s'agit d'un effet secondaire... Et désormais, c’est à toi de faire les démarches pour mettre des mots sur tes maux.
Heureusement, des associations formidables existent pour nous conseiller pendant cette période et elles effectuent un travail formidable. Mais je pense qu’il serait bon de revoir le parcours de "Après" pour que l’on ne se sente pas autant livrées à nous-mêmes.
En attendant, si j’ai un conseil à vous donner, ce serait de continuer d’en parler à votre entourage. Si vos proches ont envie de passer à autre chose, ils peuvent comprendre que vous avez besoin de leur soutien si vous leur expliquez ce que vous vivez. Rappelez-vous que 80 % du chemin, c’est votre mental qui le fera. Mais il le fera encore plus facilement si vous n’êtes pas seule dans ce combat quotidien.
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